Banksy Brexit
Expatriation

Le Brexit a eu lieu, et alors?

Voilà, on y est. Après des années d’interminables discussions, confrontations, hésitations, le Brexit a finalement eu lieu. Vendredi 31 janvier 2020, le Royaume-Uni a officiellement quitté l’Union européenne. Et pourtant, ça ne change pas grand-chose.

Un Brexit omniprésent

Depuis le 23 juin 2016, date à laquelle 51,9% des Britanniques ont voté pour la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, le Brexit est sur le devant de la scène. Sauf que, rendez-vous compte, ça veut dire que depuis plus de trois ans et demi, ce sujet monopolise l’attention.

Alors bien sûr, en 2016 nous étions confortablement installés en France. Du coup, à cette époque, nous ne nous sentions que peu concernés. Mais depuis que nous vivons en Angleterre, je dirais même depuis l’instant où nous avons évoqué l’idée de partir vivre outre-Manche, la question de Brexit a été omniprésente. Pas dans notre tête, mais dans celle de nos proches. C’est ce dont tout le monde nous parle lorsque nous sommes au téléphone ou quand nous rentrons en France. Comme s’il s’agissait du sujet qui occupait toutes les discussions au Royaume-Uni, alors que pas vraiment.

L’émotion a laissé place à la lassitude

Barcroft Media

Je tiens à préciser que je ne parle ici que de notre propre expérience. En vivant à Oxford, nous sommes dans une sorte de bulle parfois déconnectée du reste du pays. Si l’on prend l’Oxfordshire, le county auquel nous appartenons, 70% des votants ont voté pour le remain.

Dans ce contexte, forcément, la plupart des personnes que nous côtoyons ont été fortement attristées par le résultat du referendum. Et puis, avec l’Université, une grande partie des habitants d’Oxford est d’origine étrangère, et de fait, majoritairement opposée au Brexit.

Bref, si le Brexit a depuis le referendum été au coeur de l’actualité médiatique, dans la vie quotidienne, les effets ne se font, pour l’instant, pas vraiment sentir. La plupart du temps quand j’aborde le sujet avec un Anglais, il a une certaine lassitude. De la tristesse aussi. De la honte parfois. Mais les émotions vives se sont effritées au fur et à mesure des mois, des années qui se sont écoulées. En discutant avec mes collègues, même ceux qui ont voté contre le Brexit souhaitaient presque qu’il arrive en fin de compte. Parce que partir met enfin un frein au spectacle désolant que les politiques anglais ont présenté au monde.

L’idée générale ici, que dans une certaine mesure je partage, c’est que ça suffisait. Stop. On en a marre. Que ce Brexit arrive pour que tout le monde puisse finalement passer à autre chose.

La période de transition

Donc finalement, samedi dernier, mon pays d’adoption a quitté l’Union européenne. On pourrait croire que ça a eu l’effet d’un tremblement de terre. Mais non. Ça aurait peut-être pu être le cas si cette sortie s’était faite à la date prévue, le 29 mars 2019. Mais bon, entre-temps il y a eu un report au 31 décembre, puis un deuxième qui nous a emmenés fin janvier 2020.

Je disais, le Brexit est arrivé, et donc… Rien. Nothing. Nichts. Nada. Niente. Eh oui, parce qu’à présent, nous rentrons dans la période de transition jusqu’à la fin de l’année. Ce qui fait que, concrètement, ça ne change rien pour le pays pendant ce laps de temps.

Ah si, pardon. La couleur des nouveaux passeports britanniques va redevenir bleue et 3 millions de pièces de 50 pence commémorant le Brexit sont entrées en circulation.

Mais autrement, le pays demeure dans le Marché unique, l’union douanière et reste soumis aux règles de l’UE. Par contre, il perd son pouvoir de décision sur le plan européen.

Il faut aussi savoir si les nouvelles relations entre les deux parties peinent à être négociées, la fin de cette période de transition peut, elle aussi, être reportée jusqu’à deux ans. Ce qui nous amène, potentiellement, jusqu’en 2022. Et nous l’avons vu ces dernières années, trouver un accord entre le Royaume-Uni et l’Union européenne est loin d’être chose aisée…

Notre situation

Depuis le début, nous avons cette idée fixe que nous aurons le temps de venir vivre notre expérience en Angleterre et repartir, sans sentir les effets du Brexit. Et c’est très probablement ce qui va se passer.

Bien sûr, nous avons effectué les formalités administratives pour nous mettre à l’abri. Le gouvernement a lancé une procédure de Settled et Pre Settled status. Le premier concerne les personnes vivant sur le sol britannique depuis plus de 5 ans, le second est pour ceux qui, comme nous, sont arrivés plus récemment. Pour postuler à ce dispositif, il faut être installé au Royaume-Uni avant le 31 décembre 2020.

Pre Settled Status Le Pre Settled status permet, une fois obtenu, de demeurer dans le pays pendant 5 ans en jouissant des mêmes droits qu’actuellement.

Nous avons donc, dans notre cas, l’autorisation de rester jusqu’au 18 avril 2024. Passé cette date, il nous faudra faire une nouvelle demande pour continuer à pouvoir vivre, travailler, bénéficier du système de santé, de retraite et autres (on ne se moque pas de ma tête sur la photo).

Un nuage plane

Autant dire que nous avons le temps de voir venir. Bien sûr, je ne parle ici que de notre situation. J’ai totalement conscience que les choses peuvent changer très vite, et qu’avec Boris Johnson au pouvoir armé d’une majorité absolue au Parlement, tout est possible.

Je serais bien plus inquiète si nous avions prévu d’établir notre vie ici pour des années, acheté une maison, investi notre argent… Nous clairement, nous ne prenons aucun risque. Nous avons même pris la décision de ne pas cotiser pour la retraite, au cas où. Qui sait si nous serions en capacité de recevoir cet argent d’ici les au moins 40 ans qui nous séparent de la retraite?

Je pense que nous sommes arrivés encore pile au bon moment pour vivre notre expérience en Angleterre. Je ne sais pas de quoi l’avenir sera fait, tout dépend des accords qui seront passés avec l’UE, voire des accords particuliers qui pourraient être mis en place avec la France. Mais il est possible que dans les mois, années à venir, la simplicité avec laquelle nous nous sommes établis sur le sol britannique ne soit plus d’actualité.

york-castle-museum

Forcément, je suis triste

Au fond de moi, le Brexit brise mon coeur d’Européenne convaincue. J’ai grandi avec l’Union européenne, l’euro, les valeurs européennes. Bien sûr, cette organisation n’est pas parfaite et n’est pas toujours à la hauteur sur certains sujets. Mais quand même, amener 28 pays à coopérer avec un objectif de paix, de liberté et de justice, je trouve personnellement ça fantastique. Je suis profondément convaincue que nous sommes plus forts ensemble que chaque pays séparément. Alors, me dire qu’une des nations membres depuis 1973 s’en va, ça me rend forcément triste.

J’ai longtemps espéré la tenue d’un deuxième referendum, persuadé qu’il inverserait la donne. Mais les élections générales organisées le 12 décembre dernier ont mis fin à mes espoirs. Les Britanniques ont choisi de partir, et cette fois, plus personne ne peut dire qu’ils n’en connaissaient pas les conséquences. Alors oui, tous n’ont pas souhaité ce Brexit (une pensée pour les Écossais), mais une majorité l’a voulu, donnant les pleins pouvoirs aux Conservateurs. Bienvenue en démocratie.

Voilà, je crois qu’il était temps que je vous livre mes sentiments sur ce sujet. Nous continuons de notre côté à profiter de la douceur de vivre que nous procure la vie à Oxford, protégés de la xénophobie qui existe dans les campagnes, elle-même exacerbée par les politiques au pouvoir en ce moment.

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